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L’herbe Sékou Touré : combat contre l’envahisseur

SEKOU TOURE – L’herbe du Laos, Chromolaena odorata ou Eupatorium odoratum – SEKOU TOURE – L’herbe du Laos, Chromolaena odorata ou Eupatorium odoratum – SEKOU TOURE – L’herbe du Laos, Chromolaena odorata ou Eupatorium odoratum

L’herbe du Laos, Chromolaena odorata ou Eupatorium odoratum, introduite depuis peu en Afrique, prend des proportions inquiétantes. Cette plante occupe tous les espaces libres laissés par la forêt détruite dans les zones humides d’Afrique. «Une véritable calamité végétale», selon certains agronomes qui ne parviennent pas à en venir à bout. Sékou Touré» en Côte d’Ivoire, « King-kong» au Cameroun, «Choléra» au Zaïre, les petits noms donnés par les populations au Chromolaena odorata en disent long sur sa réputation. Originaire des Antilles et d’Amérique tropicale, cette espèce a été importée volontairement en Afrique comme plante de couverture pour protéger les plantations de l’érosion et des mauvaises herbes, ainsi que pour régénérer le sol. Faute d’avoir été maîtrisée, «cette plante est devenue rapidement très envahissante au point d’être considérée actuellement comme une adventice majeure des cultures pérennes, de certaines cultures annuelles et des pâturages quand les conditions écologiques lui sont favorables» notent les chercheurs du CIRAD/EMVT*.

La description qu’ils en font évoque effectivement un redoutable envahisseur : «les branches s’enchevêtrent et forment des buissons inextricables de 2, 5 à plus de 4 m quand la plante s’appuie sur des arbustes, qu’elle peut recouvrir complètement.» Pire que le chiendent Toute la zone soudano-guinéenne en Afrique de l’Ouest et son équivalent en Afrique centrale sont aujourd’hui concernés par ce que les agronomes appellent «la calamité végétale». «Robuste au point de repousser à partir des souches même lorsque toute la partie aérienne est détruite, profitant de chaque espace libre et ensoleillé pour s’installer, cette plante décourage le paysan le plus tenace. Si l’extirpation des souches et les sarclages sont effectués correctement, il est possible de maîtriser le Chromolaena. Mais c’est un gros travail», sou pire Pascal Marnotte, du département des cultures annuelles du CIRAD à Montpellier. Quant à limiter sa propagation, les chercheurs se heurtent au problème majeur de cette plante : ses akènes, c’est-à-dire les graines qui servent à sa reproduction, voyagent dans le pelage des animaux ou dans les résidus terreux transportés par les engins de travaux publics. Chaque année, de nouveaux «fronts» de Chromolaena se créent, des fourrés épais qui peuvent couvrir plusieurs centaines d’hectares en quelques années. En Côte d’Ivoire, Ghana, République Centrafricaine, les nouvelles plantations ont peu de chance de survie si le paysan ne veille pas jour après jour : à peine sortis de terre, les jeunes plants sont étouffés par le Chromolaena. Ce dernier parvient même dans ces pays, chaque année, à couper certaines pistes secondaires. «En RCA, alors que les éleveurs de bovins tentent actuellement de sédentariser toutou partie de leurs troupeaux, cette plante gêne leur installation permanente dans les terroirs» notent les chercheurs de l’EMVT qui se sont particulièrement penchés sur les problèmes pastoraux de ce pays, le plus touché par le Chromolaena. Parcours désorganisés, campements recouverts, points d’eau inaccessibles, cultures fourragères enherbées : l’éleveur maudit cette plante qui envahit tout son terroir. «Et surtout, ces peuplements denses deviennent le refuge pour certains prédateurs qui s’attaquent aux veaux et au petit bétail, notamment les chacals et les hyènes.» Des ennemis qui voyagent mal Pourquoi le Chromolaena a-t-il pris une telle ampleur en Afrique ? Dans son pays d’origine cette plante ne fait pas du tout les mêmes ravages parce qu’il existe un ensemble de parasites qui modèrent son développement. Des essais d’introduction du lépidoptèrePareuchaetes pseudoinsulata, chenille défoliatrice, ont été tentés en Afrique… sans grand succès. Ainsi que l’explique Dominique Mariau, du CIRAD, «en Côte d’Ivoire, on peut dire seulement que l’insecte a survécu. On suppose que les fourmis le mangent. Il a visiblement du mal à s’implanter et il n’a pas d’incidence très forte pour le moment.» Reste alors le désherbage chimique annuel, trop cher pour beaucoup d’agriculteurs ou les méthodes paysannes traditionnelles telles que le rabattage manuel de la végétation, suivi d’un brûlis, ou la plantation des haies vives de Tithonia diversifolia ou de Leucaena glauca qui repoussent le Chromolaena par phénomène d’inhibition (allélopathie) …

Pour Johann Huguenin, chercheur au CIRAD/EMVT, qui a longtemps travaillé sur ce problème en RCA, «l’application conjointe de techniques de lutte curative et de méthodes de protection ne peut certes pas prétendre éliminer cette plante.Elle peut en revanche en limiter le développement à un niveau qui soit sans incidence néfaste pour l’élevage et permettre, de plus, d’éviter toutes autres formes de dégradations des pâturages. »

* CIRAD/EMVT : Elevage et Médecine Vétérinaire des Pays Tropicaux BIBLIOGRAPHIE

Une importante bibliographie sur banques de données CABI, AGRIS, AGRICOLA, est disponible au CTA L’herbe du Laos Synthèse des connaissances actuelles sur la plante et sur les moyens de lutte Etudes et synthèses de l’IEMVT n° 28 CIRAD/EMVT –

10, rue Pierre Curie 94704 – Maisons Alfort Cedex Fiches Techniques d’Elevage Tropical n°6 1992 – L’herbe du Laos et les savanes pastorales subhumides –

R.M. King et H. Robinson CIRAD/EMVT

 

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