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Homme augmenté vs intelligence artificielle: ce que cache la com’ d’Elon Musk

Le futur de l’homme avec une IA forte ? Un animal de compagnie ou de la chair à pâté, s’inquiètent les alarmistes.

Prod DB-Intermedia

Contre le danger à venir de l’intelligence artificielle, le milliardaire Elon Musk propose d’améliorer les capacités de l’homme grâce à des implants. Un projet qui cache une véritable opposition philosophique entre les géants de la Silicon Valley mais aussi un plan com’ bien rodé et un agenda politique.

Oubliez le réchauffement climatique, la surpopulation, Donald Trump et Daech. La vraie menace pour l’humanité, c’est l’intelligence artificielle (IA). Et plus exactement une IA forte, la fameuse “singularité”, capable d’apprendre de manière autonome et potentiellement plus intelligente que l’humanité tout entière. Son avènement, d’ici quelques dizaines d’années selon les spécialistes, nous propulserait au rang d’animal de compagnie dans le meilleur des scénarios. Dans le pire, un monde version Terminator.

C’est du moins le futur redouté par de nombreux scientifiques et milliardaires, dont Elon Musk. Le PDG de Tesla et SpaceX, autrefois moqué pour ses paris fous, notamment celui de vouloir faire décoller une fusée dans l’espace et la faire ratterrir au milieu de la mer, est aujourd’hui considéré comme un visionnaire.

Un cerveau boosté pour lutter contre la singularité

Alors quand il annonce dans un tweet, mardi 28 février, qu’il va créer Neuralink, une société visant à créer un projet d’interface cerveau-ordinateur, tout le monde le prend au sérieux. Même quand il explique à Vanity Fair quelques jours plus tôt que son objectif n’est pas “seulement” de “renforcer les capacités cognitives de l’homme” grâce à des “lacis neuronaux”, mais aussi de sauver l’humanité du futur péril d’une IA forte.

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Selon lui, c’est très simple: si l’Homme veut avoir une chance de rivaliser, il va devoir booster son cerveau. Après tout, “nous sommes déjà des cyborgs, estime Musk. Votre smartphone et votre ordinateur sont des extensions de vous-même, vous avez déjà une identité virtuelle sur Internet. La seule différence, c’est que la gestion de l’interface se fait avec vos doigts ou votre parole, ce qui est extrêmement lent [comparé à un ordinateur]”. Alors pourquoi pas un implant made in Neuralink d’ici “quatre ou cinq ans”?

Et le plus tôt sera le mieux, car les recherches sur l’IA, financées à coup de milliards par des sociétés privées, font des progrès fulgurants. Des algorithmes gagnent déjà au jeu de go face meilleur joueur du monde, conduisent presque parfaitement et diagnostiquent déjà le cancer de la peau aussi bien que des dermatologues.

Mais ces entreprises savent-elles vraiment ce qu’elles font? Ne se prennent-elles pas pour Dieu? Ont-elles vraiment prévu tous les risques?, s’alarme-t-il. Une critique très clairement adressée à tous les “gourous-enthousiastes” de l’IA et en premier lieu Facebook et Alphabet (Google), leaders du domaine.

Google et Facebook dans le viseur

En face, les stars de l’intelligence artificielle, du Français Yann LeCun (Facebook) à Ray Kurzweil (Google) ne font rien pour le rassurer. Non seulement ils ne comptent absolument pas arrêter leurs recherches, arguant les innombrables avantages que l’humanité pourrait tirer de l’IA -dont l’immortalité-, mais en plus disent accepter les éventuels effets négatifs. Comment devenir “le futur toutou de l’IA”.

L’intelligence artificielle vue par les pontes du domaine, des plus pessimistes aux plus optimistes.

“J’ai eu beaucoup, beaucoup de conversations portant sur l’IA et la robotique avec Larry Page [son ami et PDG d’Alphabet], confie Elon Musk à Vanity Fair. Certaines très animées. Mais vous savez, ce n’est pas juste Larry, il y a beaucoup de futurologues qui expriment un certain fatalisme et sont persuadés que les robots relégueront l’humanité à un rôle périphérique. La phrase qu’ils utilisent est ‘Nous sommes l’équivalent d’une séquence d’amorçage biologique de la super-intelligence’.”

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La solution pour éviter ce futur peu enviable -au-delà de prendre la fuite vers Mars à bord de navette SpaceX-, est simple selon lui: encadrer les recherches pour éviter l’IA forte et préparer les outils qui pourraient nous sauver au cas où.

L’analyse, qui parait de bon sens, est d’ailleurs partagée par l’entrepreneur Laurent Alexandre, spécialiste du transhumanisme et auteur de La mort de la mort. “À titre personnel, des implants dans le cerveau, ça me révulse un peu, mais si on raisonne froidement, je ne vois pas d’autres solutions à moyen terme pour l’humanité”, résume-t-il auprès de L’Express.

“Pas d’arguments suffisants” pour tirer la sonnette d’alarme

Sauf qu’il y a plusieurs problèmes dans le plan de Musk. D’abord, l’avènement d’une IA forte n’est “scientifiquement pas fondé, tacle Jean-Gabriel Ganascia, expert en intelligence artificielle au Laboratoire d’informatique de Paris 6, auteur du Le Mythe de la Singularité. Je ne dis pas que c’est impossible, mais que leurs arguments pour annoncer une future singularité sont d’une extrême pauvreté.”

Quid de la loi de Moore, qui énonce que la puissance informatique double tous les ans? “On sait qu’elle a ses limites, et la puissance des machines ne conduira pas toute seule à leur conscience”, balaye-t-il. L’autonomie des machines? “Les techniques sont là encore limitées et pour l’instant, elles apprennent ce que l’homme leur dit d’apprendre. Les grands changements de paradigmes sont liés aux concepts nouveaux inventés par l’homme. Or les machines ne savent pas le faire et sont encore extrêmement loin de le pouvoir.”

Alors bien sûr, les progrès sont “extraordinaires”. Mais pour l’instant “nous n’avons pas d’arguments suffisants pour tirer la sonnette d’alarme”, juge Jean-Gabriel Ganascia.

Le plan marketing des “pompiers pyromanes”

Alors pourquoi le faire? La raison est peut-être plus inquiétante qu’une IA belliqueuse. “C’est ce que j’appelle les pompiers pyromanes. Que ce soit Google, Facebook, IBM, Microsoft et Amazon avec leur comité d’éthique sur l’IA ou Elon Musk avec ses implants, ils annoncent des catastrophes qu’ils contribuent à créer et se proposent de les réparer, continue l’expert. Je trouve ça très choquant. Non seulement ils veulent nous dominer, mais en plus il veulent tout prendre en charge, alors que c’est un problème qui concerne tout le monde.”

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“Du fait de la mondialisation, ces grandes sociétés ont des pouvoirs qui rivalisent avec ceux des États, explique Jean-Gabriel Ganascia. Je pense qu’ils nous font une grande frayeur pour masquer leurs ambitions d’ordre plus politique, qui ont pour but de se substituer aux grands États.” Par exemple en proposant des services (payants) qui touchent aux grandes fonctions régaliennes, comme la sécurité avec la reconnaissance faciale. “Les États sont incapables [de produire eux-mêmes ces services], limités par le manque de base de données et les lois qui protègent en principe les citoyens. Eux [Facebook, Google], ils n’ont pas ce problème, puisque les photos, ce sont nous qui les leur donnons!”

Derrière le plan de Musk, il y a “évidemment du storytelling à des fins marketing, reconnaît Laurent Alexandre. Un élément essentiel des grandes sociétés technologiques, notamment pour attirer les meilleurs les chercheurs. A terme, il n’y aura plus personne en face [dans la société civile, les gouvernements]” pour leur répondre. Le risque étant “qu’on devienne une colonie numérique des grandes sociétés américaines ou chinoises”. Ce qui est au moins aussi peu enviable que de devenir un animal de compagnie d’une intelligence artificielle

 

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