Des noms qui ont seulement 1 000 ans (et pas tous)

Si vous pensiez que votre vénérable nom de famille avait traversé les millénaires, détrompez-vous : il date seulement du Moyen-Âge. Les patronymes actuels apparaissent à partir du Xe siècle, alors que la population augmente : ce sont d’abord des surnoms qui servent à distinguer ceux qui portent le même prénom. Peu à peu, ces surnoms se figent et deviennent héréditaires.

Des noms qui ont une signification

Quand les noms de famille sont apparus au Moyen-Âge, ils signifiaient quelque chose de la personne. On peut les répartir en quatre grandes catégories.

Il y a d’abord les noms-prénoms comme Pierre Martin (Pierre est le fils de Martin, donc, ça donne Pierre Martin) qui sont les plus fréquents. Parfois, d’ailleurs, votre nom de famille est à l’origine un prénom oublié : n’est-ce pas Durand, Barban, ou Frézier ?

Autres grandes catégories : les noms qui proviennent des lieux (Dubois, Dupont, Rivière, Picard, etc.), les noms qui évoquent une caractéristique physique ou de personnalité (Courtecuisse, Courtois, Petit, etc.) et les noms de métiers (Tisserand, Boulanger, etc.).

Les patronymes sont apparus au Moyen-Âge… Ci-dessus, à gauche, les personnages de Godefroy de Montmirail et Jacquouille la Fripouille (Jean Reno et Christan Clavier) dans le film « Les Visiteurs ». (Photo d’illustration : DR)

Combien y a-t-il de noms en France ?

La France compte 1,4 million de patronymes différents ! Le pays est certainement l’un des champions des noms de famille. En 1900, il en comptait déjà 520 000, mais selon Marie-Odile Mergnac, auteure du passionnant Atlas des noms de famille (Archives & Culture), ces 520 000 noms reposaient sur 70 000 racines anciennes.

Certains veulent dire la même chose à partir de patois différents (voir également ci-dessous), d’autres se déforment au fil des siècles. Ainsi, un Arnoux révolutionnaire peut devenir Renoue au XXe siècle, après s’être transformé en Renou, Renoux. « Les noms sont parfois déformés par les changements de région, la phonétique, les erreurs d’état civil », analyse l’auteure.

(Photo d’illustration : Fotolia)

Si nous avons gagné près d’un million de patronymes depuis le début du XXe siècle, c’est notamment grâce aux vagues d’immigrations successives, d’Espagne, Portugal, Afrique du Nord, etc.

Aujourd’hui, un nom de famille sur deux en France est porté par moins de dix personnes. « Seulement 1,6 % des noms de famille rassemblent plus de 500 porteurs. » Du coup, au fil des décennies, des noms s’éteignent : on ne trouve plus de Puce, de Teste-Petite ni de Caramba.

Les noms les plus portés en France

Jacques Martin, l’homme de télévision, Édouard Martin, le syndicaliste de Florange, Philippe Martin, l’éphémère ministre de l’Écologie sous le gouvernement Ayrault… Qui ne connaît pas ou n’a jamais entendu un Martin ? On compte plus de 250 000 Martin en France, une popularité héritée du culte de Saint-Martin.

Les noms de famille les plus portés (dans les années 1990, date des derniers classements publics communiqués par l’Insee) sont ensuite : Bernard, Thomas, Robert, Petit, Dubois, Richard, Garcia, Durand, Moreau.

Les noms les plus portés selon les régions

Si on prend les anciennes régions, selon l’Atlas des noms de famille, les noms les plus portés en France métropolitaine sont : Meyer, Muller et Schmitt en Alsace ; Martin, Garcia et Dupuy en Aquitaine, Martin, Faure et Da Silva en Auvergne ; Martin, Bernard et Petit en Bourgogne, Le Gall, Thomas et Le Goff en Bretagne ; Moreau, Martin et Rousseau dans l’ex-région Centre ; Martin, Petit et Lefevre en Champagne-Ardenne ; Albertini, Luciani et Mattei en Corse ; Faivre, Martin et Morel en Franche-Comté, Martin, Da Silva et Pereira en Ile-de-France ; Garcia, Martinez et Lopez en Languedoc-Roussillon ; Martin, Faure et Moreau en Limousin ; Muller, Martin et Schmitt en Lorraine ; Garcia, Marty et Fabre en Midi-Pyrénées ; Lefebvre, Dubois et Leroy dans le Nord-Pas-de-Calais ; Marie, Martin et Jeanne en Basse-Normandie ; Lefebvre, Petit et Duval en Haute-Normandie ; Martin, Moreau et Rousseau dans les Pays de la Loire ; Lefevre, Leroy et Petit en Picardie ; Moreau, Martin et Bernard en Poitou-Charentes ; Martin, Garcia et Martinez en Provence-Alpes-Côte-d’Azur ; Martin, Faure et Blanc en Rhône-Alpes.

À propos de particularismes régionaux, c’est la Bretagne qui détient la plus grande part de noms de familles issus de sobriquets et de caractéristiques physiques et morales.

(Photo d’illustration : Vincent Mouchel / archives Ouest-France)

Des noms différents qui veulent en fait dire la même chose

Le Nord compte donc beaucoup de Lefebvre et la Bretagne de Le Goff. Aucun rapport, pensez-vous ? Sauf que les deux noms désignaient à la base des forgerons. On les retrouve en Alsace avec Schmitt, dans le Sud-Ouest avec Faure ou Haute, dans le Sud-Est avec Fabre, en Lorraine avec Maréchal ou Marchal.

« Il existe plus de 600 noms de famille différents rappelant le forgeron ou le maréchal-ferrant », explique Marie-Odile Mergnac. Dans le même esprit, Boulanger, Fournier, Froment, Boulenc, Pannetier, Blanpain ont la même origine.

(Photo d’illustration : Thierry Creux / archives Ouest-france)

Que veulent dire ces noms ?

Difficile d’énumérer tous les noms de famille, mais voici quelques exemples pour briller en société : Lelièvre désigne une personne peureuse, Agassé un bavard, Joly une personne joyeuse, Périer une personne qui habitait dans un endroit planté de poiriers. Perret quant à lui est un dérivé de Pierre, Requin une déformation du chantre chargé des Requiem, Meurdesoif… provient certainement d’un bon buveur.

En revanche, Monsieur Paris n’a pas forcément à voir avec la ville, mais correspond à un diminutif de Patrice ou Paterne au Moyen-Âge. Parfois, les noms de famille étranges ont une histoire plus dramatique et signifient qu’un aïeul a été abandonné. Il a alors pu recevoir un nom qui dépendait du bon vouloir de l’officier d’état civil et de son environnement : Vingt-Trois comme le vingt-troisième jour du mois, Haine, Table, Chaise, Tapis, Zurnidore…

(Photo d’illustration : Fotolia)

Les noms de nos candidats à la présidentielle

Et d’où viennent les noms de famille de quelques-uns de nos candidats à la Présidentielle ? Selon les travaux de Marie-Odile Mergnac, Le Pen proviendrait d’un toponyme « la tête » comme une pointe de terre dans la mer ; Fillon serait le plus jeune fils de la famille ; Macron serait le surnom d’un courtier ou d’un entremetteur ; Mélenchon proviendrait d’une province d’Espagne ou d’un tripier ; Hamon est une variante d’un prénom germanique désignant la maison, ; Poutou viendrait du mot poteau ou de potel (petit pot) ; Arthaud est un ancien prénom germanique dont les racines signifie fort et gouverner ; quant à Dupont-Aignan, vous retrouvez celui qui vivait près du pont ainsi que le prénom d’un saint.