Monsieur le maire, après les moments de joie et de grande pression, comment appréhendez-vous votre élection ?
Je crois encore en moi, parce que le combat que je viens de faire était un défi. Être maire FPI sortant, aller en indépendant, et pendant que tu es en campagne pour ta propre succession, tu es directeur de campagne du candidat du RDR. C’est un moment de satisfaction personnelle et cela m’amène à croire en ma personne.
Il se dit que vous avez fait voter des morts. Djiko Dassi est-il le maire des morts de Zikisso ?
Cela me fait rire ! Dans le monde entier, il y a des morts dans chaque village. Les autres candidats ont aussi des morts dans leurs villages. Si ce sont les morts qui faisaient gagner, c’est qu’il fallait qu’ils ressuscitent leurs morts pour les faire voter. Je pense que quand on est déconnecté de la réalité, on ne peut pas quitter la France et puis venir prendre une mairie en Côte d’Ivoire à quelqu’un qui est au quotidien avec les parents. Celui qui est venu me combattre et qui dit que j’ai fait voter les morts, était encore dans l’avion quand j’ai acheté le cercueil de son oncle. C’est une aberration! Si c’est quelqu’un qui est revenu de la France qui parle ainsi, ça ne donne pas le courage d’aller en France. Ce sont de mauvais perdants.
Vous êtes réélu en tant que candidat indépendant. De nouvelles orientations pour Zikisso ?
Il y a eu beaucoup de projets qui ont été engagés, beaucoup de projets qui figurent sur les programmes triennaux. Malheureusement, ce sont des conceptions et il faut des moyens pour les dérouler. Ayant pris une part active à l’élection du président du Conseil régional, qui est le candidat du parti au pouvoir, je pense que ce parti et même le futur président de la région aura un regard sur la commune de Zikisso pour que tous les projets qui sont restés en souffrance, même bien avant la crise post-électorale, puissent être subventionnés. Nous pensons qu’avec ce nouveau souffle financier dont nous parlent les dirigeants actuels, nous allons relever le défi de réaliser tous les projets que nous avons élaborés et les promesses que nous avons faites. C’est un espoir que nous nourrissons, s’il y a des moyens, beaucoup de projets seront réalisés.
La direction de votre parti, le FPI, avait ordonné à ses militants de ne pas participer aux élections locales qu’elle a qualifiées de mascarade. Vous avez bravé cette consigne, ne craignez-vous pas de passer pour un indiscipliné?
Ce n’est pas là la question. Il s’agit d’être réaliste. Le FPI veut développer une région, mais il n’a pas eu les moyens de développer la région, parce qu’il y a eu la crise. Un autre pouvoir arrive et veut continuer le développement. Nous avions été élu pour le développement, pourquoi nous allons nous mettre à l’écart ? Je crois que sur cette question, le FPI a fait un mauvais choix, parce que les élections municipales et régionales sont mères du développement.
Si nous avons été au pouvoir pour faire le développement et qu’on a été empêché de le faire, aujourd’hui, si les moyens sont là et que quelqu’un veut poursuivre notre œuvre, faut-il se mettre en marge de ce travail que nous avons commencé ? Moi, je dis non ! Le FPI doit revoir sa copie. Je ne suis pas un militant indiscipliné, je suis un militant réaliste et je demeure au FPI. Je reste un FPI convaincu mais je dis qu’il faut être réaliste. En politique, il faut savoir apprécier et moi, j’ai su apprécier et l’avenir me donnera raison.
Vous avez soutenu un candidat du RDR, alors qu’on sait la grande adversité entre le FPI et le parti au pouvoir. Qu’est-ce qui explique cet engagement?
Ce n’est pas un amour avec le RDR. Quand on est réaliste, il faut être réaliste jusqu’au bout. Dans notre région, on avait des candidats indépendants, des candidats du RDR et du PDCI, mais le PDCI vit grâce au RDR. Nous le savons tous, le PDCI fait la cour au RDR pour survivre, donc moi je dois soutenir quel candidat ? Quel candidat est le mieux placé pour avoir les moyens de sa politique ? C’est le candidat du parti au pouvoir ! Qui plus que le candidat du parti au pouvoir peut avoir les coudées franches pour développer une région ? C’est une logique, les gens ne comprennent rien mais c’est ma logique. Le ministre Zakpa Komenan est un homme de terrain qui a des ambitions pour notre région. Ce n’est pas à démontrer, tout le monde le sait, même s’il n’était pas le candidat du RDR, il incarne d’abord l’union des fils de la région.
Professeur de nous tous, c’est un monsieur qui a de la mesure. Maintenant, c’est le RDR qui le sponsorise, or c’est le parti au pouvoir qui a les moyens en main pour développer la Côte d’Ivoire. Donc le choix est tout fait, il n’y a pas de défi, de déperdition, c’est une logique. Le développement n’a pas de parti politique, il n’a pas d’appartenance religieuse. Le développement, c’est des actes concrets et ces actes, ce sont les moyens qui produisent ces actes. Or ces moyens sont détenus par le parti au pouvoir. Quel chemin, selon vous, je devrais prendre quand je sais que Zikisso est très en retard ?
N’est-ce pas que vos partisans pourraient trouver votre position incongrue, dans une Côte d’Ivoire politisée, où les clivages politiques restent profonds?
Il faut toujours faire l’analyse du moment, des circonstances et des questions. Je pense qu’il est beaucoup plus dangereux de ne pas se trouver là où les décisions se prennent. On parle aujourd’hui des mairies, mais les élections présidentielles ne sont pas loin. Où est-ce qu’on délivre les extraits de naissance ? C’est dans les mairies. Le FPI qui n’est dans aucune mairie, va se plaindre que dans telle ou telle commune, il y a des gens qui ont acquis des extraits de naissance pour avoir des cartes d’identité pour aller aux élections. Est-ce qu’en étant absent, on participe au développement de la Côte d’Ivoire, on s’entoure de garanties nécessaires ? On était au pouvoir, les gens ont fraudé, ce n’est pas quand on n’est plus au pouvoir qu’ils ne frauderont pas. Mais il faut limiter les dégâts.
Si on veut rester loin de tout ce qui se passe, mais les gens vont monter tout de toutes pièces et on va encore crier à la fraude. Qu’on ne veuille pas une chose et son contraire. Ces élections locales sont aussi des élections démographiques. Demain, on va voir des mairies proches du pouvoir fabriquer des extraits de naissance et on va assister à cela impuissants. Le RDR et le FPI devraient songer un peu à tout cela. Le FPI est un parti de dialogue, donc il pourrait être avec le parti au pouvoir et amorcer le dialogue. Mais tu ne dialogues pas et tu utilises la force, comment veux-tu qu’on prenne tes préoccupations au sérieux ? Quand quelqu’un met ton père en prison, ce n’est pas en défiant la personne que tu feras libérer ton père.
Aujourd’hui, Laurent Gbagbo est en prison et on parle de droit. Mais en fait, c’est une prison politique. Quand tu fais le bras de fer avec celui qui l’a mis en prison, il ne peut pas desserrer l’étau. Je pense plutôt que les gens du FPI sont méchants, parce qu’ils ne veulent pas que le président Gbagbo revienne. C’est pourquoi ils mènent une politique dure pour que les dirigeants actuels puissent aussi camper sur leur position en maintenant notre champion en prison. Mais le moment viendra où nous allons soulever ce débat. Il y a des gens tapis dans l’ombre qui ne veulent pas du retour de Gbagbo, que son retour n’intéresse pas. Ils préfèrent faire une politique radicale.
Or, je pense qu’il faut négocier avec ce pouvoir qui a toute la communauté internationale à ses pieds. En le bravant, les choses se durcissent. Donc les gens sont à côté de la plaque. Il faut une jeune génération de politiques comme nous pour combattre ce radicalisme.
Pour vous donc, le FPI devrait assouplir sa position?
Naturellement ! Est-ce que quand le pays devait être attaqué le 19 septembre 2002, tous les partis étaient rentrés au gouvernement? Mais pourquoi on ne tire pas les leçons de ce passé si récent. Les gens nous ont endormi. Quand les mercenaires venus du Burkina Faso devaient attaquer la Côte d’Ivoire, mais le Burkina était en parfaite collaboration avec la Côte d’Ivoire. Sia Popo a même été arrêté au Burkina Faso puis extradé vers la Côte d’Ivoire, pourquoi le FPI veut fermer les yeux et les oreilles sur ce qui lui ait arrivé hier et n’en tire aucune leçon ?
En étant avec l’ennemi dans un radicalisme comme ils le font, il est toujours sur ses gardes et il prend des dispositions. Ce n’est pas en bravant Alassane Ouattara qu’il va desserrer l’étau autour de Laurent Gbagbo. Il a la communauté internationale avec lui, donc il faut négocier. Moi, je pense que les gens ont une autre idée derrière la tête. Nous qui avons été de la FESCI (Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire), qui sommes entrés au FPI depuis 1989, on ne peut pas laisser faire ça.
Après ces élections, nous allons faire une caravane pour appeler tous les patriotes qui pensent comme nous, à faire des mouvements pour faire changer les choses dans ce pays. Il faut négocier avec celui qui est fort. Quand tu étais au pouvoir, il t’a maltraité. Ce n’est pas quand il est au pouvoir que tu vas lui montrer la force. On avait toute la force avec nous et elle ne nous a pas servi. Aujourd’hui, ce n’est pas la force qui doit nous servir, c’est la diplomatie, l’écoute, la collaboration, la main tendue.
On est un parti de dialogue, si on doit être absent sur toutes les tables de négociation, c’est que le FPI dévoie sa ligne de conduite et nous ne sommes pas d’accord. C’est pourquoi nous sommes allé aux élections. Ils disent qu’ils nous ont suspendus, mais le moment viendra où nous en parlerons, nous allons leur montrer notre vision. Le FPI est trop fermé à la discussion, ça ne ressemble pas au FPI.
A vous écouter, et à l’allure où vont les choses, Laurent Gbagbo risque de ne pas sortir de prison de si tôt.
Tant qu’il s’agit d’une volonté politique, si cette volonté politique est contre sa sortie et qu’elle n’est pas négociée mais est plutôt bravée, c’est qu’on est contre la libération de Laurent Gbagbo. Il vaut mieux continuer dans la négociation. Je pense que le FPI gagnerait à négocier avec le président Alassane Ouattara. Nous sommes tous Ivoiriens, c’est Laurent Gbagbo qui a permis qu’Alassane Ouattara et Bédié rentrent d’exil. Il faut leur rappeler certaines choses qu’ils ont oubliées, mais ce n’est pas en lui tournant le dos qu’on pourra lui rappeler ce qu’on a fait pour lui. Gbagbo t’a permis d’être candidat, d’être président. Il faut qu’on lui rappelle tout cela. Tant qu’on ne le rencontre pas, qui va lui rappeler cela ?
Comment pouvez-vous dire que le FPI ne va pas vers le pouvoir alors que ce parti ne cesse d’affirmer qu’il est engagé dans un dialogue depuis septembre 2012 avec le régime d’Alassane Ouattara?
”Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras”. On ne se lance pas dans le dialogue pour s’arrêter au milieu. C’est par de petits pas. Il faut d’abord ouvrir son cœur et montrer qu’on est dans de bonnes dispositions d’esprit. Prenons d’abord le peu qu’on nous donne et puis on pourra demander plus. Mais on va pas dans un dialogue en situation de faiblesse avec des exigences. Je pense que le FPI affiche une mauvaise volonté de négociation. On a besoin de négocier pour sortir d’une situation. Quand Laurent Gbagbo était au pouvoir, il a fait des compromis irréalisables. Pourquoi aujourd’hui qu’il n’est pas au pouvoir, vous n’allez pas faire des compromis ? Il a permis ce que quelqu’un qui est au pouvoir ne peut jamais permettre. Maintenant qu’il est en prison, ceux qui le soutiennent ne peuvent pas permettre le minimum. Ce n’est pas possible, c’est de la méchanceté. Les dirigeants actuels du FPI sont méchants comme ils l’ont d’ailleurs été quand ils étaient au pouvoir.
C’est cet entourage, ces va-t-en guerre-là qui ont envoyé notre champion où il est aujourd’hui. Il faut qu’ils se ressaisissent. Ils vont dans les salons, on les voit avec les ministres du RDR, au palais présidentiel. Peut-être même que c’est le pouvoir en place, craignant le retour de Laurent Gbagbo, qui paie ces gens-là pour ne pas qu’il revienne en Côte d’Ivoire. Mais c’est un autre débat que nous pouvons lever, c’est leur crédibilité qui est mise en doute. Vous n’êtes pas dans le gouvernement, vous n’êtes pas député, vous n’êtes nulle part. C’est à ces élections que le FPI devaient participer, parce que ce ne sont pas des élections politiques. Le candidat du RDR que j’ai fait gagner dans un bastion du FPI, c’est parce qu’il n’y avait pas de candidat du FPI. On ne peut pas continuer comme ça, il faut que les gens pensent à Laurent Gbagbo, l’homme du ”asseyons-nous et discutons”.C’est lui qui est en prison, ils doivent faire la part belle au dialogue mais ils sont radicaux. Il faut mettre en doute leur position, il faut que les intellectuels du FPI se lèvent pour voir ce que la direction mijote.
Alassane Ouattara sait que si Gbagbo sort, il peut faire la réconciliation, il n’est pas belliqueux, il est l’homme de la paix. Il faut montrer au chef de l’État l’opportunité de faire sortir Gbagbo de prison avant 2015. Parce que si Laurent Gbagbo est en prison, la Côte d’Ivoire n’ira pas aux élections dans un climat paisible en 2015. Or, chacun veut gagner. Et ce n’est pas en période de trouble que le parti au pouvoir va remporter ces élections. Il faut amener Alassane Ouattara à comprendre que si Gbagbo parle à la télévision nationale et qu’il demande aux Ivoiriens de cesser la violence, elle sera bannie de la Côte d’Ivoire.
Laurent Gbagbo ne dira jamais aux gens : « faisons la guerre » ; on le connaît. Ce sont ces arguments qu’il faut donner à Alassane Ouattara, ce sont ces gages qu’il faut donner à la communauté internationale. Mais on ne le fait pas. S’il y avait un million ou deux comme moi, les choses allaient bouger dans ce pays et pour Laurent Gbagbo, notre champion.
Réalisé par Hervé KPODION
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