Déjà inculpé pour son pustch manqué contre le régime de transition, le général Diendéré est désormais poursuivi par la justice militaire dans le dossier de la mort de Sankara. Quel rôle a-t-il joué dans cette affaire d’État ? Éléments de réponses.
Son nom était régulièrement cité lorsqu’on évoquaitl’assassinat de Thomas Sankara. Mais, du haut de son statut de bras droit de Blaise Compaoré et de général tout-puissant de l’ancien régime, Gilbert Diendéré n’avait jamais été directement inquiété dans cette affaire. Sa tentative de putsch contre le régime de transition a changé la donne. Placé en détention provisoire à la Maison d’arrêt et de correction des armées (Maca), à Ouagadougou, « Gilbert » est aujourd’hui visé par onze chefs d’inculpations – dont celui de « crime contre l’humanité » – dans le cadre de l’enquête sur sa tentative de coup d’État, mi-septembre.
Il est aussi, depuis le 12 novembre, poursuivi par la justice militaire pour « attentat, assassinat, et recel de cadavres » dans l’affaire Thomas Sankara. Pour le général Diendéré, c’est un nouveau coup dur. Pour ses adversaires et la famille de Sankara, cette inculpation est au contraire synonyme de faisceau de vérité, 28 ans après la disparition de l’ancien président révolutionnaire, dans des circonstances toujours non-élucidées.
Diendéré ne s’est confié qu’une fois sur cette affaire
Le 15 octobre 1987, alors qu’il est en réunion avec ses proches au Conseil de l’entente, siège du Conseil national de la révolution (CNR) et épicentre du pouvoir sankariste à Ouagadougou, Thomas Sankara est criblé de balles par un commando d’hommes armés. Son cadavre présumé et ceux de ses douze compagnons abattus à ses côtés auraient ensuite été enterrés à la va-vite dans le cimetière de Dagnoën, dans l’est de la capitale. Les six assaillants – Nabié N’Soni, Arzoma Otis Ouédraogo, Nacolma Wanpasba, Ouédraogo Nabonsmendé, Tondé Kabré Moumouni, et Hyacinthe Kafando – sont tous des commandos formés au Centre national d’entrainement commando (CNEC) de Pô. Ils sont alors sous les ordres de Blaise Compaoré et de son fidèle adjoint : Gilbert Diendéré.
Officiellement, le premier était souffrant et à son domicile au moment des faits. Le second, lui, est arrivé sur les lieux après le bain de sang. En 28 ans, « Gilbert » le taiseux ne s’est confié qu’une fois sur son rôle durant ce 15 octobre 1987 : au Belge Ludo Martens, auteur de Sankara, Compaoré et la révolution burkinabè(1989).
« Il fallait arrêter Sankara »
Dans cet ouvrage, Diendéré affirme que son intention était d’arrêter Sankara, en raison des fortes tensions qui régnaient au sommet de l’État, mais pas de le tuer. Selon lui, l’opération aurait ensuite mal tournée : « [Nous avons été prévenus] que Compaoré, Lingani et Zongo seraient arrêtés ce soir. […] Notre réaction a été qu’il fallait arrêter Sankara avant que l’irréparable ne se produise. […] Sankara tenait comme toujours son arme, un pistolet automatique, à la main. Il a immédiatement tiré et tué un des nôtres. À ce moment, tous les hommes se sont déchaînés. » Cet unique témoignage a depuis été remis en cause par plusieurs commandos fidèles à Blaise Compaoré et à Gilbert Diendéré. S’exprimant sous le couvert de l’anonymat, ils ont affirmé que leurs ordres étaient les suivants : « Neutralisez » Sankara et, s’il résiste, « anéantissez-le ».
De leur côté, les proches et la famille de « Thom’Sank’ » attendent depuis plus d’un quart de siècle que le général Diendéré, présenté comme la « boîte noire » du régime Compaoré, livre enfin sa version des faits. Son probable procès pourrait bientôt leur donner satisfaction. Huit autres personnes ont par ailleurs été inculpées dans l’affaire Sankara. Parmi elles, quatre militaires suspectés d’avoir participé à son assassinat ont été mis aux arrêts et placés sous mandat de dépôt à la Maca.
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