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Bayer-Monsanto : un mariage infernal pour les paysans et l’environnement par Jean-François Julliard, Directeur général de Greenpeace France

JEUDI, 29 SEPTEMBRE, 2016
L’HUMANITÉ

Il est des mariages qui, à peine consommés, annoncent la naissance d’un monstre. La fusion de Bayer et Monsanto en fait partie. En rachetant pour 59 milliards d’euros le géant des OGM, le roi des pesticides a engendré une catastrophe pour l’agriculture et la souveraineté alimentaire mondiale. Le modèle ultraconcentré et industrialisé de cet oligopole est totalement incompatible avec la notion d’agriculture durable et encore moins écologique. Des agriculteurs maîtres de leurs productions, hors du contrôle des multinationales, garantissant des pratiques saines et une alimentation de qualité aujourd’hui et pour les générations futures… Voilà ce que Greenpeace défend au quotidien. Or la fusion Bayer-Monsanto accentue encore davantage la dépendance des paysans vis-à-vis des firmes de l’agrochimie. En nous imposant leur vision destructrice, Bayer et Monsanto ne feront qu’accentuer la pauvreté et la faim dans le monde. Reprenons l’exemple de l’Inde où, en imposant ses cultures OGM, Monsanto avait fait grimper le prix des semences de manière dramatique, entraînant une vague de suicides chez les paysans indiens. Quelles seront les conséquences une fois que le groupe sera deux fois plus puissant ?

En termes de lobby également, ce rapprochement est dramatique ! Bayer + Monsanto représente un tiers du marché des semences mondiales et un quart de celui des pesticides, rien que ça ! Quelle force de frappe face aux parlementaires européens et à la Commission : faire, défaire des lois, proposer des amendements clés en main et mettre sous pression les parlementaires ou les institutions… De plus, grâce à cette fusion avec une entreprise allemande, l’américain Monsanto met un pied dans la porte européenne. Une aubaine quand on sait que la firme se bat actuellement non seulement pour étendre la culture de ses semences OGM, mais également pour imposer les nouveaux OGM sur les marchés européens. Peu importe que les consommateurs de l’Union se soient déjà exprimés en masse contre la consommation de produits OGM ! Tant qu’on y est, le groupe pourra en profiter pour reparler du glyphosate, ce pesticide cancérigène, molécule phare du Roundup vendu par Bayer et dont la future interdiction est discutée en ce moment même. Là encore, pour défendre ses intérêts économiques, autant être le plus puissant possible !

Ne nous y trompons pas. On ne nourrira pas la planète à coups de pesticides et d’OGM, sinon la faim dans le monde n’aurait pas autant augmenté depuis deux décennies, mais uniquement en garantissant la souveraineté alimentaire au Nord comme au Sud. Pour cela, il est urgent d’entamer une véritable transition de notre agriculture vers un modèle agroécologique. L’ensemble des politiques publiques doivent évoluer afin de contrecarrer les lobbys industriels. À l’échelle européenne, la politique agricole commune doit être réformée en profondeur pour permettre aux producteurs de protéger les ressources naturelles et de travailler sans OGM ni pesticides. Elle doit également encourager la transition vers un élevage écologique, au lieu d’inciter à l’intensification. À l’échelle française, les financements doivent être orientés en priorité vers l’agriculture écologique, y compris en matière de recherche et d’accompagnement des agriculteurs. À l’échelle individuelle, chaque citoyen a également un rôle essentiel à jouer. Cela passe avant tout par un changement de nos habitudes de consommation et l’adoption d’un régime alimentaire plus sain, plus végétal et diversifié qui soutienne directement une agriculture réellement durable. La prise de conscience avançait lentement ces dernières années. Ne laissons pas ce rachat ruiner tout avenir pour l’agriculture écologique !

 

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