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Qui se ressemble ne doit pas forcément s’assembler !

Bruno Dewaele, le champion du monde d'orthographe, vous fait partager sa passion pour la langue française

Bruno Dewaele, le champion du monde d’orthographe, vous fait partager sa passion pour la langue française.

Voici revenu le temps des cadeaux et des vœux. Mal nécessaire entre tous, quand on saurait que ceux-ci risquent de rester pieux et que ceux-là ont toutes les chances d’être revendus dès le lendemain sur eBay… Estimons-nous heureux si déjà l’on s’abstient de nous « offrir » les premiers et de nous « souhaiter » les seconds !

À moins, en effet, que l’on ne recrute pour le bal annuel du pléonasme, il est préférable que les cadeaux se « fassent » et que les vœux se « présentent », voire, dans un registre plus soutenu, se « forment ». C’est que notre langue, dans son infinie sobriété, se veut un rasoir à une seule lame : point besoin qu’une seconde passe avant que le poil ne se rétracte ! Puisqu’un cadeau est un objet que l’on offre, puisqu’un vœu n’est autre que le souhait que s’accomplisse quelque chose, inutile d’en rajouter : comme on disait naguère chez Maxwell qualité filtre, une cuillère suffit…

Pour les mêmes raisons, je verrais d’un bon œil que, tout au long de l’année à venir, on prît la bonne résolution de ne plus « opposer » son veto pour se contenter de le mettre (en latin, veto signifiait déjà « je m’oppose ») ; d’inaugurer un salon plutôt que son « ouverture » ; de renoncer, enfin, à construire une « maison neuve ». Ce sont pourtant de ces choses que l’on n’entend que trop souvent ! Cela dit, on se montrera plein d’indulgence pour qui s’entête à « allumer la lumière » : même s’il est… clair que ce n’est point cette dernière que l’on allume mais la lampe, cette redondance a depuis belle lurette été consacrée par l’usage. Partant, que l’on n’attende pas de moi que je vous oblige à « donner de la lumière » : j’y gagnerais définitivement mes galons d’obscurantiste, pour peu que cela ne fût pas fait !

Il n’est peut-être pas trop tard, en revanche, pour rappeler que mieux vaudra toujours poser que « demander » une question. Sans trop d’illusions : l’anglais et son « to ask a question » sont passés par là. Il ne nous en coûtera cependant pas grand-chose d’essayer. Moins, sans doute, qu’au Premier ministre de rêver, en cette période de tous les possibles, à une inversion de la courbe du chômage…

Et puis, user de poser ici nous incitera peut-être à nous en garder là où il ne… s’impose en rien, par exemple devant l’omniprésent souci : que la conjoncture économique pose quelquefois problème à nos gouvernants, voilà qui peut à la rigueur se concevoir, mais « poser souci » ?

Il faudrait encore espérer, pour le plus grand bien de notre langue, que soient enfin prononcés quelques divorces par consentement mutuel. Que l’on ne voie plus ensemble, par exemple, le verbe commémorer et le nom anniversaire, puisque c’est l’événement que l’on est censé commémorer, et non son retour dans le calendrier. Qu’il ne soit plus question d’« encourir un risque » quand il suffit de le courir, de « soulever un lièvre » (pauvre bête, aux oreilles si fragiles !) quand il s’agit seulement de le lever.

Pour tout avouer, j’y crois si peu que je comprendrais presque que, dans ce cas précis, et pour que ressorte leur côté irréaliste, des vœux se… souhaitent ! Mais ceux que je vous dois à l’aube de cette nouvelle année, de santé, de bonheur et de réussite professionnelle, j’entends bien continuer à vous les présenter : ils sont, eux, de l’ordre du possible et c’est sincèrement qu’il me tarde de les voir se réaliser pour vous…

À la fortune du mot / Blog La Voix du Nord

Au gré de l’actualité, Bruno Dewaele, le champion
du monde d’orthographe,
vous fait partager sa passion
pour la langue française.

 

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