Pourquoi on en parle ?

Le premier tour de l’élection présidentielle n’est que dans trois semaines mais le site d’informations décalées Merci Alfred a déjà organisé une « contre-élection » la semaine dernière. Une élection en ligne un peu spéciale car elle n’utilisait pas le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, le mode de scrutin de l’élection présidentielle en France. Non, la « contre-élection » a décidé d’élire le président de la République selon la méthode du vote alternatif.

Le vote alternatif, qu’est-ce que c’est ?

« Le principe, c’est que les électeurs ne votent qu’une fois, en classant tous les candidats par ordre de préférence, explique Merci Alfred. Au moment du dépouillement, on élimine le candidat ayant obtenu le moins de voix… Puis on reporte ses voix vers le deuxième choix des électeurs qui avaient voté pour lui. Et on recommence le processus jusqu’à ce qu’un candidat obtienne la majorité absolue. »

(Photo : Philippe Renault/Ouest-France)

Ce mode de scrutin est-il déjà utilisé ?

Oui, pour l’élection présidentielle en Irlande, pour les législatives en Australie et pour les élections locales à San Francisco. Mais il y existe des subtilités dans le décompte des voix. Par ailleurs, en 2016, le maire de Londres a été élu au suffrage universel mais selon une variante du vote alternatif : l’électeur pouvait en effet indiquer son premier et son second choix.

Quel est l’intérêt ?

D’après Merci Alfred, « cette méthode permet d’élire des représentants plus consensuels et incite les candidats à faire des propositions pour l’ensemble de la population et non centrées uniquement sur un clan voire une clientèle. Elle permet enfin aux électeurs de ne pas se soucier de stratégies de vote comme le « vote utile », et au contraire de faire un vrai vote d’adhésion. »

Jean-François Laslier, directeur de recherche du CNRS en économie au laboratoire Paris Jourdan Sciences Économiques, qui travaille depuis plusieurs années sur les modes de scrutin alternatifs, ne cautionne pas cette analyse : « Dire que cela a tendance à élire des candidats consensuels, ce n’est pas vrai, souligne le chercheur. En fait, ça ressemble assez à notre système à deux tours. Les expériences scientifiques que nous avons menées montrent qu’il se passe la même chose qu’avec notre système à deux tours. Les voix sont transférées vers les deux candidats qui ont pas mal de chances. »

Dans le vote alternatif, le dépouillement est plus long. (Photo : Stephane Mahe/Reuters)

C’est comme ça que le centre n’arrive pas à passer, explique-t-il : « Ça reporte les voix sur le deuxième choix des électeurs. Par exemple, si on suit la logique : 1er choix, extrême droite, en 2e, la droite modérée, puis le centre, puis la gauche modérée, et l’extrême gauche, les votes extrêmes sont reportés sur les modérés mais pas sur les centristes. » Le chercheur estime que ce système ne change pas grand-chose par rapport à notre scrutin.

« Avec le vote alternatif, les gens ont l’impression que comme c’est un classement, ils donnent leur avis sur chaque candidat, mais dans un scrutin uninominal comme la présidentielle, ce n’est pas vrai. » Il ajoute qu’en Irlande, l’élection présidentielle fonctionne de cette façon mais le président n’a qu’un rôle représentatif, qui diffère grandement du rôle du président français.

Et les inconvénients ?

Le dépouillement est long et nécessite des moyens importants. En Irlande, en 2011, il a fallu un jour et demi pour désigner le vainqueur de l’élection présidentielle. En Australie, le système est extrêmement complexe dans le vote et dans le décompte des voix. Il arrive donc que les électeurs suivent les consignes de leur parti, des partis qui font des alliances entre eux avant l’élection.

En Australie, les élections législatives sont tellement complexes que les bulletins de vote peuvent mesurer jusqu’à un mètre. Ici un exemple à l’élection législative de 2013. (Photo : capture d’écran BBC)

Jean-François Laslier serait, lui, favorable à « un scrutin où les électeurs évaluent chaque candidat en lui donnant une note ou des points et celui qui en a le plus gagne. C’est le système qui représenterait le mieux la population. Cela favoriserait justement les candidats consensuels. »

La contre-élection de Merci Alfred, ça donne quoi ?

Merci Alfred a réussi à mobiliser 45 000 participants. Le résultat, prévient le site, n’est pas « forcément représentatif de la population française » car « les personnes mobilisées sur la plateforme étaient surtout des jeunes, urbains, actifs sur les réseaux ». Mais l’idée de l’expérience était d’inciter les citoyens à réfléchir à leur vote et à une autre voie pour élire notre président, nos députés, maires, etc.

D’accord, mais qui a gagné ?

Jean-Luc Mélenchon est le grand vainqueur de la contre-élection de « Merci Alfred ». (Photo : Benoit Tessier/Reuters)

Eh bien, c’est Jean-Luc Mélenchon, le candidat de la France insoumise. Il a reçu 29 983 votes, soit 65,63 % des voix. Emmanuel Macron termine 2e avec 34,37 % des voix.

En détail, il y a eu dix rounds. Jacques Cheminade a été éliminé en premier, puis Nathalie Arthaud, Jean Lassalle, Nicolas Dupont-Aignan ; Marine Le Pen part avant Philippe Poutou et Asselineau. Au 8e round, François Fillon n’est plus dans la course, et Benoît Hamon disparaît au 9e round. 74 % de ses voix sont reportées sur Jean-Luc Mélenchon. Le match a été récapitulé dans un tableau par Merci Alfred.

(Image : Merci Alfred)