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Contrôlés en sortie scolaire: “Nous allons engager la responsabilité de l’Etat”

Fin mars, une professeure d’Epinay-sur-Seine racontait à L’Express le contrôle qu’avaient subi trois de ses élèves durant une sortie scolaire. Accompagnés de leur avocat, les élèves et l’enseignante réitèrent ce lundi leur intention de se battre pour que cela n’arrive plus et espèrent faire condamner l’Etat.

“Je veux que ça change, pour que ce qui m’est arrivé n’arrive pas à mon fils plus tard.” Mamadou, 18 ans, semble déterminé. Devant une dizaine de journalistes, il dit ce lundi sa volonté de faire cesser les contrôles d’identité pendant les sorties scolaires. Il répète son ras-le-bol d’être ciblé par les policiers “en raison de sa couleur de peau”. Et pour cause, l’humiliation qu’il dit avoir vécue le 1er mars dernier avec deux de ses camarades, devant sa classe et sa professeure à Gare du Nord, l’a marqué.

Comme le racontait à l’Express sa professeure de lettres et histoire, Elise Boscherel, trois élèves de sa classe de terminale au lycée Louise Michel à Epinay-sur-Seine ont été contrôlés lors d’une sortie scolaire alors qu’ils revenaient de Bruxelles. L’échange est mouvementé: Mamadou est tiré par le bras puis fouillé, Ilyas est interpellé par un policier directement sur le quai, Zakaria doit ouvrir sa valise en plein milieu du hall de la gare.

Le témoignage d’Elise Boscherel >> “Mes élèves ont été contrôlés, fouillés, humiliés, lors d’une sortie scolaire”

Leur professeure est atterrée. “Je pensais avoir conscience de ce que mes élèves vivaient, mais en partageant leur quotidien pendant deux jours, la réalité m’a réellement rattrapée,” racontait-elle fin mars. Elle souhaite à présent engager la responsabilité de l’Etat pour que de telles choses n’arrivent plus.

Une “jeunesse maltraitée”

Pour ce faire, Elise Boscherel a rapidement décidé de porter plainte contre ces agents. Mais au commissariat, le policier refuse de prendre une plainte contre un collègue. Elle contacte alors un avocat, Me Slim Ben Achour. Elle tente d’alerter son ministère de tutelle, l’Education, et le ministère de l’Intérieur, sur cette situation. En vain. Elle a donc décidé d’interpeller les médias en organisant une conférence de presse ce lundi, en compagnie de son conseil.

“Les autorités ne prennent pas au sérieux les droits de ceux qui viennent des quartiers”, insiste Me Ben Achour. L’avocat insiste sur le fait qu’il s’agit de “discrimination raciale”. C’est en ce sens, en s’appuyant sur la condamnation de l’Etat pour contrôle au faciès en novembre dernier, qu’il saisira la Cour de cassation ainsi que le Défenseur des droits dans les jours à venir. “Nous ne pouvons pas laisser notre jeunesse être maltraitée de la sorte”, s’insurge l’avocat, rappelant que c’est pour échapper à un contrôle de police que Zyed et Bouna -dont le décès à Clichy-sous-Bois est à l’origine des émeutes de 2005- ont fui.

“Nous réalisons que ce n’est pas normal”

A côté de son camarade Zakaria, Mamadou rappelle la devise française: liberté, égalité, fraternité. “C’est faux, on n’est pas égaux. Et il faut que ça change. De telles situations ne sont pas acceptables en France.” Les jeunes hommes, d’origine malienne pour Mamadou et comorienne pour Zakaria, sont peu soutenus par leur entourage dans cette démarche. “Nos amis ont peu d’espoir que ça change, raconte Mamadou. Avant, nous étions comme eux, mais maintenant, nous réalisons que ce n’est pas normal de se faire contrôler parce qu’on est d’origine africaine.”

Zakaria (à gauche) et Mamadou, deux des trois élèves contrôlés lors d’une sortie scolaire le 1er mars 2017.

Emilie Tôn/L’Express

Ils ont cessé de compter le nombre de fois où ils ont été contrôlés par des policiers. Pour autant, ils ne pensaient pas que cela pouvait également leur arriver en pleine sortie scolaire. “Sans notre professeure, on ne sait pas comment ça aurait pu se passer, dit Mamadou. Heureusement qu’elle était là, ça aurait pu finir comme pour Théo“.

Jamais ils n’avaient pensé porter plainte avant. D’après eux, le fait d’être accompagné par leur professeure à la peau blanche a facilité les choses: “Si elle avait été noire, nous n’aurions peut-être pas été entendus”. Elise Boscherel acquiesce: “C’est aussi mon travail de défendre mes élèves”.

Aller “plus loin” que les récépissés

Lors des contrôles à la Gare du Nord, l’enseignante a également eu droit à un traitement brutal. Tutoyée, mise sous pression, Elise Boscherel -qui est enceinte- dit avoir été secouée lors de l’altercation. Les deux camarades de classe confirment que les policiers étaient “dans l’affrontement”. Cependant, ils souhaitent préciser que leur démarche n’est pas “anti-flics”. “Nous avons conscience que cela est le fait d’une minorité de policiers qui fait mal son travail.”

Les trois camarades de classe attendent des candidats à la présidentielle qu’ils s’intéressent à la question du contrôle au faciès: “Les récépissés, c’est bien, mais il faut aller plus loin et interdire les contrôles inutiles, notamment en sortie scolaire. Les policiers doivent faire confiance à nos professeurs. Après tout, eux aussi représentent l’Etat!” s’indignent Mamadou.

Les trois jeunes ont écrit une lettre, à l’intention de qui veut les écouter: “Nous avons décidé d’écrire parce que nous sommes des millions à ne pas savoir comment éviter d’être stigmatisés en raison de nos visages. Nous ne voulons plus que nos rapports avec la police ne soit que confrontation et défiance. Nous souhaitons un vrai dialogue.”

 

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